Rian Johnson est un garçon patient. Il y a sept ans, nous avions rencontré le réalisateur californien au festival de Deauville où il était venu présenter Brick, son premier film, avec un certain Joseph Gordon-Levitt en tête d'affiche. Un mélange étrange de teen-movie et de polar fantastique qui allait attirer l'attention de nombreux cinéphiles, à défaut de séduire le grand public. "A l'époque, j'avais déjà l'idée de base de Looper", révèle l'intéressé à propos de son troisième long-métrage, joli succès outre-Atlantique, qui fait suite au loufoque Brothers Bloom. "Je voulais écrire sur le voyage dans le temps, mais il fallait que ce voyage serve l'histoire. Qu’on ne soit pas obliger de l’expliquer en permanence au risque de perdre le fil des personnages."
Une question de choix
Pour faire bref, disons que Looper tourne autour du personnage de Joe (Joseph Gordon-Levitt), un jeune tueur à gages employé par la mafia pour éliminer les témoins gênants. Le "colis" arrive du futur, ligoté et masqué. Joe l'abat et le fait disparaître à jamais. Malin, non ? Sauf qu'un jour, notre héros découvre que sa prochaine cible n'est autre que... lui-même. Avec 40 ans de plus. Leur rencontre va-t-elle donner naissance à une improbable faille spatio-temporelle ? Décider du sort de l'humanité ? Où vont-ils simplement aller déguster un milkshake ensemble ?
De ce pitch astucieux, un brin geek, Rian Johnson tire tout simplement le meilleur film de SF américain depuis Inception, de Christopher Nolan. A la fois ludique, philosophe et émouvant. Un mille-feuilles en trois actes que ne laisse pas nécessairement deviner son affiche high-tech. "Ma référence, c'est l'écrivain Ray Bradbury (décédé il y a quelques mois - ndlr). Qu'ils parlent de voyage dans le temps, de téléportation ou d'une colonie humaine sur Mars, ses romans utilisent le futur pour amplifier un vrai sujet, voire un dilemme personnel." Dans Looper, il est beaucoup question de choix. Au plan moral, affectif, intellectuel. "Le message ? Je pourrais en discuter pendant des heures, sourit Rian Johnson. Mais j'ai plutôt envier d'entendre ce que les spectateurs ont à dire".
Comme un tour de magie
Impossible de parler de Looper sans évoquer sa vedette, Joseph Gordon-Levitt, dont le double âgé n'est autre que Bruce Willis. "Attention, Joseph ne fait pas une imitation de Bruce jeune", précise le cinéaste. Il a crée un personnage de toutes pièces à partir du Bruce qu'on connaît ces dernières années. Celui de Sin City ou de Red."
Maquillage mis à part, le résultat est bluffant. Et concourt au charme étrange de ce drame futuriste qui ne livre toutes ses clés que dans les ultimes minutes. "J'adore les films qui utilisent une narration sophistiquée pour susciter une belle émotion, sourit Rian Johnson. Et surtout ce moment où la vérité est révélée. Un peu comme lorsqu'un magicien dévoile un tour totalement bluffant. Ou qu'un mathématicien résout une équation complexe." On a beau détester le calcul mental, on comprend très bien.